Les archives n’en disent presque rien : Tokhrahenehiaron, un Iroquois fait captif est libéré aux Trois-Rivières le 21 mai 1644 pour retourner seul en canot en son pays, l’Iroquoisie. Il est porteur d’une proposition de paix doublée de l’échange de prisonniers. Il devra revenir dans moins de deux mois : ce sera le 5 juillet 1644. Il était cruel de faire partir un homme seul en canot pour un si long voyage, chacun sachant comment il est autrement plus facile de naviguer à deux : avironner, cordeler, portager, partir un feu, se nourrir, s’abriter, résister aux moustiques. Un voyage dans une nature qui «a amassé une partie des beautés de la terre», mais non pas un pays vierge : les rives du Richelieu et du lac Champlain autrefois peuplées, sont désormais veuves de leurs premiers habitants depuis les guerres du XVIe siècle. Pays inconnu? Nullement : partout des toponymes iroquois ou algonquins sur lesquels se superposeront de nouveaux, français ou anglais.
Tokh! S’agit-il d’un ennemi juré du narratif colonial traditionnel? Pas ici. Français et Iroquois alors ennemis, certes, mais ni bons ni méchants. Chacun n’avait-il pas ses raisons, ses mobiles? D’ailleurs qui est l’envahisseur?
Percutant et d’une exceptionnelle force évocatrice, le dessin nous entraîne dans une grande et passionnante aventure, celle de notre histoire, «notre» pour celle de nous tous, amis et ennemis d’hier, «bons» et «méchants». Voilà une œuvre avant-gardiste qui rompt avec le narratif de l’histoire traditionnelle. Voilà un récit que tout un chacun lira pour s’y reconnaître et pour entrer dans le riche univers culturel de ces grands acteurs de l’histoire que furent et que sont les Premières Nations : sociétés millénaires, vieilles confédérations et vastes réseaux d’alliances, communautés tissées serrées des vivants, des ancêtres et des animaux, mythes, rituels et savoir-faire d’une extraordinaire richesse. Un récit que chacun lira aussi pour la rencontre et le choc des cultures : le grand malheur des épidémies et certes, également celui de la guerre, mais également pour les inter-influences : comment chacun accepte ou refuse ce qui vient de l’autre, comment les emprunts sont transformés, comment la différence suscite parfois le rejet, parfois le doute sur soi, s’agirait-il des décorations personnelles, du mariage et du divorce ou des chemins du paradis. Louis Rémillard nous dépeint admirablement les uns et les autres. Un récit historique aussi captivant que décapant.
Denys Delâge
Professeur émérite
Département de sociologie
Université Laval
LE RETOUR DE L'IROQUOIS
2016, éditions MOELLE GRAPHIK
126 pages noir et blanc
Titre Disponible: 28$ canadien + Frais de livraison par la poste
Paiement par courriel via virement interac
Commande: louisremillard@hotmail.com
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